thrombose embolique veineuse
La maladie thromboembolique veineuse est fréquente. En France, on dénombre chaque année 10 nouvelles thromboses veineuses profondes et 6 nouvelles embolies pulmonaires pour 10.000 habitants. L’âge moyen de la maladie est de 60 ans, mais son incidence augmente de façon importante avec l’âge.
A l’occasion de la Journée Mondiale de la Thrombose le 13 octobre 2021, l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP) a organisé une conférence Patients dont les vidéos sont en ligne (voir les vidéos)
La thrombose correspond à la formation d’un ou plusieurs caillots (appelés aussi thrombus) dans un vaisseau sanguin (artères ou veines) ou dans le cœur. En savoir plus Coagulation et thrombose
On parle de thrombose veineuse lorsque le caillot se forme dans une veine, le plus souvent au niveau d’une jambe.
En fonction de la localisation de la thrombose veineuse, on distingue :
- Les thromboses veineuses profondes (appelées aussi « phlébites » ou « phlébites profondes ») lorsque le caillot est dans une veine située dans la profondeur de la jambe.
- Les thromboses veineuses superficielles (appelées aussi « paraphlébites » ou « phlébites superficielles ») lorsque le caillot est dans une veine située juste sous la peau. En savoir plus Anatomie des veines
On parle d’embolie pulmonaire lorsqu’un caillot situé dans une veine se détache et migre jusqu’aux poumons dans une artère pulmonaire. C’est la principale complication des thromboses veineuses profondes.
Les thromboses veineuses peuvent survenir ailleurs : thrombose d’une veine du bras, thrombose d’une veine du foie, thrombose d’une veine cérébrale, etc. En savoir plus Autres thromboses veineuses
Environ six personnes sur 10 000 sont atteintes de thrombose veineuse superficielle chaque année et une personne sur 1000 de thrombose veineuse profonde, mais ce risque varie en fonction d’un certain nombre de facteurs.
La maladie thrombo-embolique veineuse (thrombose veineuse profonde et embolie pulmonaire) est la troisième cause de mortalité cardiovasculaire, après l’infarctus du myocarde et l’accident vasculaire cérébral.
La plupart du temps, il n’y a pas de cause unique mais plusieurs facteurs de risque qui se surajoutent pour aboutir à une thrombose veineuse.
Ces facteurs sont les mêmes pour la thrombose veineuse superficielle que pour la thrombose veineuse profonde et l’embolie pulmonaire.
Trois mécanismes principaux peuvent aboutir à une thrombose veineuse.
- L’hypercoagulabilité du sang : le système de coagulation fonctionne « trop bien ». Ceci peut être dû à des mutations génétiques, à des auto-anticorps, à l’inflammation (par exemple en cas de maladie infectieuse), au cancer, à certains médicaments.
- La stase sanguine : le sang ne circule pas bien dans les veines. Cela arrive en cas d’immobilisation (alitement prolongé à l’hôpital, port d’un plâtre pour fracture ou traumatisme, voyage prolongé) ainsi que, dans le cas des thromboses superficielles, en présence de varices.
- La lésion vasculaire : toute brèche dans un vaisseau sanguin va activer la coagulation pour arrêter le saignement. Ces lésions vasculaires peuvent survenir à l’occasion d’interventions chirurgicales, de traumatismes, de la présence de corps étrangers (par exemple : insertion d’un cathéter dans un vaisseau pour une perfusion).
- L’âge est aussi un important facteur de risque de thrombose veineuse.En cas de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire, le médecin vous interrogera, vous examinera et vous prescrira peut-être des examens complémentaires pour rechercher un ou plusieurs de ces facteurs de risque.
Dans environ la moitié des cas, la thrombose veineuse ou l’embolie pulmonaire restent complètement inexpliquées, sans facteur déclenchant évident. On parle alors de thrombose veineuse (ou d’embolie pulmonaire) idiopathique ou non provoquée.En savoir plus Facteurs de risque de thrombose veineuse
Les symptômes de la maladie thrombo-embolique veineuse sont la conséquence de l’occlusion du vaisseau sanguin par le caillot gênant la circulation du sang dans ce vaisseau.
Ces symptômes dépendent de la localisation du caillot.
- En cas de phlébite superficielle : une rougeur douloureuse autour ou le long d’une veine sous-cutanée qui peut se présenter sous la forme d’un cordon dur ayant perdu son caractère dépressible.
- En cas de phlébite profonde : un gonflement de la jambe, une douleur du mollet ou en arrière du genou ou de la cuisse, une rougeur et une augmentation de la chaleur de la jambe. Le plus souvent, une seule jambe est atteinte. Ces signes ne sont pas forcément tous présents à la fois : la phlébite peut se manifester par une douleur du mollet isolée qui persiste plusieurs heures ou plusieurs jours ou seulement par un gonflement de la jambe.
- En cas d’embolie pulmonaire : un essoufflement à l’effort voire au repos, une douleur thoracique pouvant être augmentée par la respiration ou les changements de position, une accélération de la fréquence cardiaque. Plus rarement, l’embolie pulmonaire peut provoquer des crachats de sang, une perte de connaissance, et parfois menacer la vie.
Les symptômes d’embolie pulmonaire peuvent apparaître d’emblée sans qu’aucun signe de phlébite ne se soit manifesté avant.
Quelle que soit la localisation du caillot, une fièvre peut parfois être présente.
En l’absence de traitement, la thrombose veineuse peut s’aggraver. Le caillot peut grossir et s’étendre le long de la veine. Ainsi une phlébite superficielle peut se propager et atteindre une veine profonde. En cas de phlébite profonde, le caillot peut aussi migrer jusqu’au poumon et provoquer une embolie pulmonaire. Le risque d’embolie pulmonaire est très faible en cas de phlébite uniquement superficielle.
Une fois le traitement débuté, le risque de complication grave, c’est-à-dire d’embolie pulmonaire massive, est heureusement faible. Le plus souvent, les symptômes s’améliorent rapidement en quelques jours sous traitement et habituellement disparaissent complètement après quelques semaines.
À l’arrêt du traitement, il y a un risque de refaire une thrombose. Ce risque est faible quand la thrombose a été provoquée par un facteur de risque majeur, comme une chirurgie, un traumatisme, un alitement, une varice, etc. Il est plus important quand la thrombose est survenue sans contexte favorisant particulier. Parfois, cela conduit à prolonger le traitement pour prévenir les récidives.
À plus long terme, la thrombose peut avoir endommagé les parois des veines et provoquer parfois plusieurs années plus tard une maladie post-thrombotique, dont les symptômes sont proches de ceux de la phlébite : lourdeur de jambe, rougeur, œdème, etc.
De même, s’il n’y a habituellement pas de séquelles au poumon, l’embolie provoque rarement une hypertension dans les artères pulmonaires voire une insuffisance cardiaque.
Le diagnostic de phlébite superficielle est le plus souvent évident cliniquement.
Le diagnostic de phlébite profonde ou d’embolie pulmonaire est en revanche plus difficile car les symptômes ne sont souvent pas typiques. Une douleur du mollet peut faire penser à une déchirure musculaire, un problème du genou. La rougeur et l’œdème peuvent être dues à une infection ou une insuffisance veineuse. De nombreuses maladies peuvent donner une douleur thoracique ou un essoufflement. Ainsi, il n’est souvent pas évident pour le médecin d’évoquer le diagnostic, surtout en l’absence de facteur de risque particulier.
L’écho-doppler veineux est l’examen qui permet de faire le diagnostic de phlébite.
C’est un examen non invasif qui utilise les ultrasons. Le médecin passe la sonde d’échographie sur le trajet des veines et appuie pour vérifier que la veine se comprime bien sous la sonde. Normalement, la paroi d’une veine est souple et la veine « s’écrase » sous la pression. Si la veine ne se comprime pas, c’est le signe qu’il y a un caillot dans la veine qui l’en empêche.
Cet examen est nécessaire y compris en cas de thrombose veineuse superficielle cliniquement évidente car il permet de rechercher une éventuelle thrombose veineuse profonde associée (dans 25 % des cas) et dont la présence modifierait le traitement. En savoir plus Écho-doppler veineux
Pour diagnostiquer l’embolie pulmonaire :
- On utilise le plus souvent l’angio-scanner thoracique. Un produit de contraste iodé est injecté au moyen d’une perfusion intra-veineuse puis un scanner des poumons est réalisé. Cet examen permet de voir directement les caillots dans les vaisseaux du poumon. En savoir plus Angioscanner thoracique
- On utilise parfois la scintigraphie pulmonaire de ventilation et perfusion. Ce test compare la ventilation (on visualise où l’air circule dans les poumons après inhalation par masque d’un traceur) et la perfusion pulmonaires (on visualise où le sang circule dans les poumons après perfusion intraveineuse d’un traceur). En savoir plus Scintigraphie pulmonaire
Ces deux examens ont l’inconvénient d’être irradiants. Pour éviter d’y avoir recours, on peut dans certains cas utiliser le dosage des D-dimères sur une prise de sang. Ce test simple permet d’exclure le diagnostic de thrombose veineuse quand il est négatif, sans avoir besoin du scanner ou de la scintigraphie. En savoir plus Dosage des d-dimères.
Le traitement de la maladie thrombo-embolique veineuse repose sur l’utilisation des anticoagulants. Il fait appel également à d’autres médicaments et à des mesures thérapeutiques non médicamenteuses.
Le traitement des thromboses veineuses superficielles et profondes se fait, sauf exception, en ambulatoire, c’est-à-dire sans hospitalisation. C’est de plus en plus souvent aussi le cas des embolies pulmonaires les moins graves.
Les patients avec une embolie plus sévère (par exemple : besoin d’oxygène, souffrance cardiaque due à l’embolie) sont hospitalisés quelques jours.
Traitement anticoagulant
Les médicaments anticoagulants, en luttant contre la coagulation, empêchent la propagation du caillot et sa migration au poumon. Ils ne dissolvent pas le caillot. Le caillot disparaît au cours du temps grâce à la fibrinolyse, processus physiologique de destruction des caillots.
Il est possible de détruire le caillot en utilisant des médicaments appelés thrombolytiques. Toutefois, parce qu’ils augmentent le risque de saignement de façon importante, ces traitements ne sont utilisés que quand la vie est directement menacée (en cas d’embolie pulmonaire massive).
En savoir plus Classification des anticoagulants
En cas de phlébite profonde ou d’embolie pulmonaire, un traitement anticoagulant d’action rapide est en général débuté dès la suspicion de thrombose ou d’embolie. Le traitement « traditionnel » consiste à débuter un traitement de la famille des héparines par voie injectable sous-cutanée (plus rarement par voie injectable intra-veineuse en cas de forme sévère ou chez les patients avec insuffisance rénale).
Dès que le diagnostic est confirmé, on débute un traitement anticoagulant de la famille des antivitamines K (AVK). Il a l’avantage d’être donné par voie orale, mais il n’est efficace qu’après plusieurs jours. Son efficacité est mesurée par un test sanguin appelé INR. Une fois l’INR satisfaisant, le traitement par injections d’héparine est interrompu, et seul l’antivitamine K est poursuivi. Le principal inconvénient des AVK est que la dose est difficile à prédire et leur effet varie au cours du temps. Ceci fait que des prises de sang régulières sont nécessaires tant que le traitement est poursuivi.
Depuis quelques années, de nouveaux anticoagulants oraux sont disponibles qui permettent d’éviter les injections d’héparine et les prises de sang nécessaires à la surveillance des AVK, avec une efficacité et une sécurité comparables. Ces médicaments ne conviennent toutefois pas à tous les patients. Ils sont par exemple contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère. Ils n’ont pas encore été évalués pour le traitement des formes graves d’embolie, ni chez les patients souffrant de cancer.
En cas de thrombose veineuse superficielle isolée, le risque de complication, notamment d’embolie pulmonaire, étant plus faible qu’en cas de thrombose veineuse profonde, des doses d’anticoagulants injectables plus faibles, dite prophylactiques, sont utilisées et permettent de prévenir efficacement le risque de complication thrombotique tout en limitant le risque d’effets secondaires du traitement. Il n’y a pas lieu d’effectuer un relais par un AVK.
Des anticoagulants à dose curative, c’est-à-dire à des posologies plus élevées similaires à celles utilisées en cas de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire, sont parfois prescrits : en cas de localisation de la thrombose superficielle près des veines profondes, en cas d’atteinte des veines perforantes.
Compression veineuse
La compression veineuse est indiquée en cas de thrombose veineuse. Elle a un effet antalgique lors de la phase initiale de thrombose, diminue le risque de récidive et permet de traiter une éventuelle insuffisance veineuse.
En l’absence d’étude dédiée on peut proposer, selon la convenance du patient, des bas ou des chaussettes de compression, de classe 2 ou 3. En savoir plus Compression veineuse
Autres traitements
La thrombose veineuse est une maladie douloureuse et il est souvent nécessaire d’utiliser des antalgiques lors des premiers jours de traitement.
Le repos strict n’est pas nécessaire. Sauf cas particulier, il est même recommandé de marcher dès que le traitement anticoagulant est efficace et en portant la compression veineuse. En effet, l’alitement est un facteur de risque de thrombose veineuse et la marche avec la compression fixe le caillot aux parois de la veine, favorise sa reperméabilisation et diminue œdème et douleurs. L’utilité de la marche par rapport au repos a été démontrée par des études scientifiques.
À l’inverse, il ne faut pas « forcer ». La reprise des efforts ou du sport, doit se faire de façon progressive, guidée par les symptômes. En cas d’embolie, une fatigue, parfois pendant plusieurs semaines, est fréquente.
En cas de thrombose superficielle, des traitements spécifiques peuvent être proposés en au cas par cas.
- Traitement des varices en cas de thrombose sur veine variqueuse. Ce traitement doit être proposé à distance (quelques mois) de l’épisode thrombotique pour prévenir la récidive.
- Anti-inflammatoires : ces traitements sont parfois proposés mais leur efficacité est principalement antalgique. L’utilisation conjointe d’anti-inflammatoires par voie orale avec des anticoagulants n’est pas recommandée car elle augmente de façon importante le risque de saignement.
- Ligature de crosse de la veine saphène sous anesthésie locale pour prévenir l’extension au réseau profond chez les patients présentant une thrombose superficielle près d’une crosse et une contre-indication aux anticoagulants.
- Thrombectomie : cela consiste à retirer sous anesthésie locale le caillot. Ce traitement, proposé par certains médecins en cas de thrombose veineuse superficielle très douloureuse, semble efficace mais n’est néanmoins pas habituel et n’a pas été validé par des études cliniques.
En présence de facteurs de risque de maladie thrombo-embolique veineuse, des mesures thérapeutiques préventives peuvent être indiquées afin de diminuer le risque de formation d’un caillot. Par exemple : après une intervention chirurgicale, en cas d’alitement prolongé à l’hôpital, lors d’un voyage prolongé en avion, etc.
En savoir plus Facteurs de risque de thrombose veineuse
- Compression veineuse : port de chaussettes ou de bas de compression veineuse.
- Limiter la durée de l’immobilisation et favoriser la reprise de la marche suite à une intervention chirurgicale, en cas d’alitement prolongé à l’hôpital, etc.
- Favoriser l’hydratation.
- Traitement anticoagulant : un traitement anticoagulant préventif peut être nécessaire. On peut utiliser, en fonction des situations, soit un anticoagulant injectable de la famille des héparines, soit un anticoagulant oral de la famille des anticoagulants oraux directs. Ces anticoagulants sont prescrits à faible dose dite prophylactique.
- Auteurs : Pr Grégoire LE GAL (médecine interne), Dr Jean-Philippe GALANAUD (médecine vasculaire)
- Date de publication : 22/09/2016
- Date de dernière mise à jour : 16/11/2016