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Je suis sénior

Il existe plusieurs particularités chez le patient âgé concernant les médicaments anticoagulants et la prise en charge de la maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV).

La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) regroupe la thrombose veineuse et l’embolie pulmonaire.
Infos Maladie thrombo-embolique veineuse

Diagnostic de la maladie thrombo-embolique veineuse

Chez un patient âgé, il est encore plus important pour le médecin de toujours faire la preuve d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire et de ne pas rester sur une suspicion de diagnostic basée uniquement sur les symptômes.
Plus on avance en âge, plus les symptômes évocateurs peuvent être difficiles à différencier de ceux d’autres maladies. Par exemple, un patient âgé peut avoir plus fréquemment d’autres causes d’œdème ou de douleurs des jambes et il peut avoir plus souvent une maladie cardiaque ou pulmonaire expliquant un problème respiratoire ou une douleur thoracique.
Par ailleurs, le risque de saignement lors d’un traitement anticoagulant est plus important chez le patient âgé ; il n’est donc pas question de donner un traitement anticoagulant pendant plusieurs mois sans être certain du diagnostic initial.

Les examens utilisés pour le diagnostic de MTEV sont les mêmes quel que soit votre âge avec quelques particularités chez le patient âgé :

  • Si vous avez une insuffisance rénale qui est une situation plus fréquente chez le patient âgé, il est possible que l’angioscanner thoracique soit contre-indiqué. En savoir plus Angioscanner thoracique
  • Si vous avez des signes respiratoires faisant suspecter une embolie pulmonaire, il est possible que le médecin ne demande pas de pratiquer un examen d’imagerie du thorax si une thrombose veineuse profonde a été diagnostiquée par un écho-doppler des membres inférieurs. Dans ce cas la présence de cette thrombose veineuse peut suffire à considérer que vous avez une embolie pulmonaire et à vous traiter comme tel sans avoir besoin de réaliser un angioscanner thoracique ou une scintigraphie pulmonaire ; cette situation est d’autant plus fréquente que les patients sont âgés. En savoir plus Écho-doppler veineux
Compression veineuse

Votre médecin vous a prescrit une méthode de compression veineuse des membres inférieurs pour prévenir les thromboses veineuses ou parce que vous avez fait une thrombose veineuse. En savoir plus Compression veineuse

Les méthodes de compression peuvent être difficiles voire impossibles à mettre correctement quand on est âgé et que l’on a des problèmes pour se pencher ou un manque de force. N’hésitez pas à en parler le plus vite possible à votre médecin en cas de problème pour la mise en place de cette compression veineuse des membres inférieurs car il est le plus souvent possible de mettre en place des aides au domicile pour assurer le bon suivi de ce type de prescription.

Par ailleurs, avec l’âge, il arrive que la circulation au niveau des artères des jambes soit moins bonne alors que vous n’avez pas de symptôme pouvant le faire évoquer. Dans ce cas la compression veineuse des membres inférieurs peut être mal tolérée avec des douleurs ou une coloration anormale des pieds. Prévenez rapidement votre médecin si ces signes surviennent.

Traitement anticoagulant préventif

Plus on est âgé, plus le risque de faire une maladie thrombo-embolique veineuse est important quand survient une situation aiguë limitant votre autonomie de façon importante et plus la fréquence de ces épisodes aigus peut augmenter. Ceci est vrai si vous êtes hospitalisé(e) mais aussi si vous restez à domicile à l’occasion d’une maladie aiguë. Votre médecin pourra alors vous donner un traitement anticoagulant de façon transitoire, tant qu’il jugera que le risque de thrombose veineuse est élevé.

Traitement anticoagulant curatif

Une hospitalisation n’est pas obligatoire pour traiter une maladie thrombo-embolique veineuse mais il est possible que votre médecin vous propose tout de même cette solution, surtout si vous avez d’autres maladies chroniques associées. Cette situation est plus fréquente chez les patients âgés du fait d’une plus grande fragilité.
Cette hospitalisation sera généralement assez courte mais permettra notamment de débuter un traitement anticoagulant dans des conditions optimales de sécurité, surtout si vous êtes habituellement assez isolé(e) et que l’utilisation d’un médicament anticoagulant peut vous poser problème.

Pour le choix du traitement anticoagulant d’une thrombose veineuse profonde ou d’une embolie pulmonaire, votre médecin a deux possibilités :

  1. Soit le traitement « classique » par un médicament anticoagulant de la famille des antivitamines K (AVK) par voie orale en association, au début à un traitement, à un médicament anticoagulant de la famille des héparines par voie sous-cutanée.
  2. Soit le traitement « récent » par un médicament anticoagulant de la famille des anticoagulants oraux directs (AOD) par voie orale, sans traitement par héparine.

Ces deux attitudes sont possibles chez les patients âgés et votre médecin pourra discuter avec vous de votre préférence mais il fera aussi son choix sur d’autres éléments :

  • Les études qui ont été faites pour valider le traitement « récent » n’ont concerné que très peu de patients âgés et votre médecin peut choisir d’attendre d’avoir des données pour les patients de votre âge avant de l’utiliser.
  • L’évaluation de votre fonction rénale par une prise de sang est indispensable au début du traitement car la présence d’une insuffisance rénale peut guider son choix.
  • L’évaluation de la balance entre bénéfice et risque de chacune des attitudes.

En savoir plus Classification des anticoagulants.

La durée du traitement anticoagulant oral après une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire ne dépend pas de l’âge du patient mais principalement du caractère provoqué ou non de l’épisode thrombo-embolique veineux et de vos antécédents éventuels de maladie thrombo-embolique veineuse. La prudence par rapport au risque hémorragique des anticoagulants chez le patient âgé ne doit pas inciter à un « sous traitement » en limitant la durée d’un traitement efficace. Cependant, le médecin qui vous prescrit ce traitement anticoagulant doit proposer que vous soyez revu régulièrement pour réévaluer le rapport bénéfice-risque du traitement, en fonction principalement de vos éventuelles maladies chroniques et de vos traitements associés, qui sont possiblement plus fluctuants que chez les patients jeunes.

Au début d’un traitement par héparine à dose curative (par exemple, pour traiter une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire), il est indispensable que votre médecin dispose de votre poids et d’une évaluation de votre fonction rénale. Ceci est encore plus vrai pour les patients âgés qui peuvent avoir des variations de poids non vues car ils ne se pèsent plus et qui ont plus fréquemment une altération du fonctionnement des reins. Il est donc normal et obligatoire que votre médecin vous pèse et vous demande une prise de sang lors de l’instauration d’un traitement par héparine. En savoir plus Dosage de la créatininémie

Le traitement par héparine se fait par des injections sous-cutanées. Pour les patients âgés, il est habituel de conseiller que ces injections soient faites de préférence au niveau de l’abdomen plutôt qu’au niveau des cuisses qui peuvent avoir perdu du volume avec l’âge. C’est un petit détail que vous pouvez vérifier avec votre infirmière qui fait les injections. En savoir plus Injection sous-cutanée

Le maniement des antivitamines K (AVK) chez le patient âgé peut être plus complexe que pour les patients plus jeunes et le risque de saignement lié au traitement a tendance à augmenter avec l’âge, quel que soit l’AVK avec lequel vous êtes traité(e). Cependant, il est important que vous compreniez, si vous êtes sous AVK, que le risque de thrombose augmente aussi nettement avec l’âge. Ainsi, l’évaluation de la balance bénéfice-risque du traitement a été faite par votre médecin en tenant compte de ces deux éléments.

Pour autant, certains éléments peuvent vous être signalés :

  • Il est bien démontré que le sujet âgé est plus sensible aux AVK et que les doses journalières sont plus basses en moyenne que pour les patients jeunes. Ainsi la dose utilisée pour débuter le traitement est environ réduite de moitié.
  • Une des difficultés du maniement des AVK chez le sujet âgé réside dans une plus grande fréquence de problèmes de santé aigus intercurrents qui sont susceptibles de rendre l’INR instable (infections, insuffisance cardiaque, modifications de la fonction rénale ou de l’état nutritionnel, etc.). Avoir des maladies chroniques qui peuvent se décompenser n’est cependant pas une contre-indication à un traitement par AVK. En revanche, il faut savoir que ces situations aiguës devront amener transitoirement votre médecin à surveiller plus fréquemment l’INR.
  • Un autre élément est très important à connaître, surtout si vous avez beaucoup de médicaments sur votre ordonnance ou si votre ordonnance change fréquemment du fait de problèmes médicaux répétés : il existe beaucoup de médicaments qui peuvent interférer avec votre traitement AVK, en diminuant ou en augmentant son effet anticoagulant. Les plus fréquemment utilisés sont ceux qui peuvent majorer cet effet, ce qui est visible sur la surveillance de l’INR qui est, dans ce cas, supérieur à ce que doit être votre zone thérapeutique. La liste de ces médicaments est longue et il est possible que votre médecin vous prescrive un de ces médicaments qui ne sont, pour la plupart, pas interdits en association avec les AVK ; de plus, il peut exister des interactions encore non connues, notamment avec des médicaments récents. Le message à retenir est qu’il faut augmenter la fréquence de surveillance des INR en cas de modification de l’ordonnance habituelle (par exemple en faisant un INR 2 fois par semaine) ; cette augmentation de fréquence de la surveillance sera faite pendant la durée du traitement si le nouveau médicament est donné pour une période limitée et elle sera faite pendant les premières semaines d’un nouveau médicament qui serait prescrit au long cours.
  • D’autres médicaments, fréquemment utilisés chez les patients âgés, sont à risque de saignement sans qu’il augmentent l’action anticoagulante de l’AVK, mais parce que ce sont aussi des médicaments qui agissent sur la coagulation : aspirine et autres antiagrégants plaquettaires (clopidogrel), anti-inflammatoires non stéroïdiens. Les raisons de leur association avec un traitement anticoagulant sont rares et vous devez bien signaler votre traitement par AVK au médecin qui vous prescrit un des ces traitements.
  • Suivre un régime particulier quand on est âgé expose au risque de se dénutrir. Contrairement à ce qui a été longtemps préconisé, un traitement par AVK ne justifie pas de suivre un régime particulier et un régime alimentaire équilibré doit être respecté. En savoir plus Alimentation et vitamine K

Le risque de chute augmente globalement avec l’âge, même si tous les sujets âgés ne tombent pas régulièrement. Si cela est votre cas, vous devez cependant être très prudent(e) après une chute sous anticoagulant.
Il faudra surveiller un éventuel hématome (un « bleu » sur la peau) quant à sa taille et son caractère douloureux. Si la chute a eu lieu sur les fesses ou sur le dos, il faudra demander à quelqu’un de votre entourage (ou à défaut à votre médecin) de surveiller ces parties du corps qu’on ne peut pas regarder soi-même.
Si la chute a entraîné un choc sur la tête, il est conseillé de consulter le plus rapidement possible, si besoin aux urgences, car il est fréquemment indiqué dans ce cas de réaliser un scanner du cerveau. Si vous ne pouvez ou ne voulez pas consulter, il faut que quelqu’un puisse surveiller s’il n’y a pas apparition de signes « cérébraux » qui rendraient ce scanner obligatoire et urgent : maux de tête, faiblesse localisée d’une partie du corps, problème de langage, endormissement, difficultés pour se repérer dans le temps, etc.

Pour un patient sous anticoagulant, il est indispensable que le traitement soit pris régulièrement sans oubli ni prise supplémentaire et que la surveillance prescrite par le médecin soit bien suivie.
Si vous avez des troubles de la mémoire et que cela peut amener vous-même ou votre entourage à douter de ces éléments, cela ne vous interdit pas d’être traité(e) par un médicament anticoagulant si votre médecin en a confirmé la nécessité, mais il est dans ce cas raisonnable voire obligatoire de prévoir un système permettant d’assurer que les prises médicamenteuses sont correctes et que la surveillance biologique est effectuée. Cela peut prendre plusieurs formes qui devront être discutées au coup par coup : utilisation d’un pilulier, aide d’un membre de la famille, aide d’un(e) infirmier(ère), etc.

  • Auteur : Pr Éric PAUTAS (gériatrie)
  • Date de publication : 22/09/2016
  • Date de dernière mise à jour : 16/11/2016