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Perception des risques thromboembolique et hémorragique des patients atteints de cancer : résultats préliminaires d’une étude internationale 

La thromboembolie veineuse (Tev), qui comprend les thromboses veineuses profondes (TVP) et l’embolie pulmonaire (EP), est une complication 12 à 23 fois plus fréquente chez les patients atteints de cancer que pour les personnes en étant exemptes. L’incidence de la Tev associée à un cancer (Tac) est en augmentation en raison de l’amélioration de la survie des patients atteints de cancer. Outre la morbidité et la mortalité propres qu’elle entraîne,  la Tac peut également avoir un impact négatif sur la conduite du traitement contre le cancer.

En 2020, l’American Society of Clinical Oncology (Asco) a souligné la nécessité d’une bonne information des patients cancéreux sur les risques de survenue d’une Tev. Il existe néanmoins peu de données sur l’éducation et la sensibilisation à la Tac parmi la population générale atteinte de cancer. C’est la raison pour laquelle il a été décidé, avec le soutien de l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH) de lancer une étude internationale visant à étudier la perception du risque thromboembolique et du risque hémorragique des patients atteints de cancer. Les résultats préliminaires portant sur les informations obtenues auprès de 749 participants entre juin et septembre 2022 sont ici rapportés.

Le recrutement des participants a été fait principalement en ligne, par l’entremise des réseaux sociaux, des bulletins électroniques, des sites web (voir notre brève du 7 août 2022) et des médias destinés aux patients atteints de cancer et à leurs soignants.  Ils devaient répondre à un questionnaire en ligne, validé par une association de patients, portant sur leur sexe, âge, ethnie, localisation géographique, niveau d’éducation, leur pathologie cancéreuse et le traitement reçu, leurs antécédents de Tev, s’ils avaient reçu ou recevaient actuellement un traitement anticoagulant, la connaissance et la sensibilisation à la Tac et l’origine de l’information reçue, la connaissance du  risque,  des  facteurs prédisposant et des  manifestations cliniques possibles de la Tac,  les connaissances générales et l’attitude des patients à l’égard de l’anti-coagulation et s’ils avaient été associés aux discussions et aux décisions concernant les options de thrombo-prophylaxie, la gestion de l’anti-coagulation et   la réévaluation périodique du traitement anticoagulant par rapport au risque thrombotique et hémorragique

Les participants étaient issus de 27 pays répartis sur les 5 continents. Le tableau 1 résume les principales caractéristiques des patients.

Concernant l’information sur la Tac reçue, Dans l’ensemble, 62 % des patients atteints de cancer inclus dans l’enquête  ont déclaré qu’ils n’avaient jamais reçu d’informations concernant la Tac et qu’ils n’étaient pas conscients du risque  thrombotique associé au cancer et aux traitements anticancéreux (figure 1a). Parmi les  personnes qui ont reçu de l’information, 26 % n’ont été informées  qu’au moment du diagnostic de Tev (figure 1B). La compréhension de la Tac a été jugée insuffisante par 30 % des répondants ayant reçu une information sur la Tac.

Dans l’ensemble, 69 % des participants n’ont reçu aucune information concernant les signes et symptômes de la Tev (figure 2A). Parmi ceux qui ont été informés sur les manifestations possibles de la Tev, seulement 59 % avait reçu des instructions sur ce qu’il fallait faire ou qui contacter si l’une d’entre elles survenait (figure 2B).

Sur l’ensemble des participants, 71 % n’ont jamais eu connaissance d’un diagnostic de Tev, alors que 11 % ont déclaré avoir présenté une TVP, 6 % une EP et 7 % une TVP des membres inférieurs dans d’autres sites ou une thrombose veineuse superficielle (tableau 1). Parmi les patients informés, la Tev a été diagnostiquée pendant la chimiothérapie chez 31 % d’entre eux, au moment du diagnostic de cancer dans 16 % des cas, et avant le diagnostic de cancer pour 23 %.

26 % des participants ont déclaré avoir déjà utilisé ou actuellement utiliser des anticoagulants pour le traitement de la Tev, et 24 % pour une autre pathologie. Parmi les patients cancéreux qui ont été exposés à des anticoagulants pour quelque indication que ce soit, le besoin et les risques du traitement anticoagulant n’ont pas  été réévalués périodiquement chez 56 %, alors que cela a été fait environ tous les 3-6 mois pour 40 % des répondants.

Dans l’ensemble, 69 % des répondants n’ont jamais été informé de  la possibilité de recevoir une thrombo-prophylaxie primaire. Parmi ceux qui ceux qui étaient anti-coagulés, 59 %  ont indiqué qu’ils n’étaient pas informés du risque   potentiel  de complications hémorragiques associées au traitement anticoagulant.

Bien que 85 % des participants considèrent qu’une information sur la Tac comme indispensable, 52 % d’entre eux ont déclaré que les professionnels de santé n’avaient pas consacré suffisamment de temps ou n’étaient pas assez clairs, 22 % des  répondants  se sentant tendus, anxieux, déprimés ou frustrés après avoir été informés du risque de Tac et d’anti-coagulation (figure 3).

Les résultats préliminaires de cette étude menée à l’échelle mondiale rejoignent les conclusions de celle réalisée en 2018 dans 6 pays européens. Ils confirment et étendent  aux systèmes de santé non européens  un  besoin urgent d’une amélioration tant quantitative que qualitative des programmes d’information en  matière de Tac.

Les résultats actuels  doivent toutefois être interprétés avec prudence, car la population étudiée à ce stade, bien que relativement importante et diversifiée, pourrait ne pas être entièrement représentative de la population générale atteinte de cancer. En effet compte tenu des modalités de recueil de l’information des participants, les sujets ayant un accès limité à internet auraient pu être sous-représentés, introduisant ainsi un biais.

Une fois terminée, cette enquête devrait pouvoir contribuer à identifier les lacunes non comblées dans  l’information des patients sur la Tac, et à établir des informations sur les besoins, les obstacles et les inégalités entre les différents systèmes de santé, qui pourraient être utilisés pour adapter et hiérarchiser les améliorations à apporter pour de réduire le poids de la Tac au niveau mondial.

Voir le rapport préliminaire publié pour la Journée mondiale de la thrombose

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